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2 juin 2009 2 02 /06 /juin /2009 15:21

Août 2016

 

Après l’attentat dans une église et l'assassinat d'un prêtre,

. une pétition qui bénéficie d'un large consensus :

http://unitediversite.wesign.it/fr

. une déclaration que je crois utile de diffuser. Plusieurs des rédacteurs sont des amis que je connais bien

http://www.dieumaintenant.com/apreslattentat.html

En tête d'affiche (août 2015)

Si vous avez vu dans Le Monde daté des 2 et 3 août l'article sur la Grèce intitulé "Retraites et fiscalité divisent Athènes et ses créanciers", vous vous êtes peut-être contentés du titre. Lire tout l'article est intéressant. On s'aperçoit que le trait commun aux divers points de désaccord est celui-ci : les représentants des créanciers font pression pour.que, dans la répartition de la somme de sacrifices que le gouvernement grec s'est engagé à imposer à son peuple, il soit demandé un peu moins aux plus riches (les bénéficiaires de revenus supérieurs à 500000 € annuels) et un peu plus, et plus vite, aux moins fortunés (les titulaires de petites retraites).

 

24 août 2014

Peu de gens peut-être ont relevé dans Le Monde du 20 août, à la page « Économie » cette brève :

+ 30,3 %, c’est l’augmentation des dividendes distribués par les entreprises cotées en France au deuxième trimestre 2014, période où près de 40 % des versements sont effectués, selon une enquête d’Henderson Global Investors publiée lundi 18 août. La France arrive en tête des progressions en Europe, devant l’Allemagne (+ 9,7 %) et le Royaume-Uni (+ 3,9 %). Les dividendes ont aussi augmenté au Japon (+ 18,5 %) et aux États-Unis (+13, 8 %), mais ont diminué dans les pays émergents.

La croissance n’est pas au rendez-vous, le chômage est reparti à la hausse depuis des mois, le gouvernement se demande comment accroître le pouvoir d’achat des moins pourvus sans creuser les déficits, mais il y a au moins un indicateur économique qui connaît une hausse vertigineuse, et la France y est médaille d’or, c’est le niveau des dividendes distribués aux actionnaires. Aux actionnaires d’entreprises dont la production et les ventes, semble-t-il, n’augmentent pas, puisque la croissance est nulle.

Contrairement à ce qu’auraient pu croire des naïfs, la diffusion de tels chiffres n’a pas provoqué de révolution.

Les élections locales et les étrangers qui paient leurs impôts ici   

J'ai lu dans Le Monde du 27 mars 2013 le texte ci-dessous. Je l'approuve.

    Lors des campagnes électorales de 2012, c'était de la part de François Hollande et des partis de la majorité, non pas une promesse (à un groupe particulier), mais un engagement (devant tous les électeurs, devant la Nation, devant l'opinion publique internationale). J'aimerais que cet engagement soit tenu.

    Il est exact qu'actuellement il n'existe pas au Congrès (Sénat + Assemblée nationale) la majorité particulière des 3/5 nécessaire pour que cette révision de la Constitution soit adoptée. Il est donc sage de ne pas convoquer le Congrès. Mais rien n'interdit de faire dès maintenant ce qui est un préalable a la révision, qu'elle soit décidée par le Congrès ou lors d'un référendum : que l'on vote le texte successivement dans chacune des deux assemblées, où existe la mahorité simple nécessaire à ce stade.

    Ce vote serait hautement symbolique, et donnerait de mon pays une image  plus ouverte et moins rabougrie que celle que tentent de lui donner les adversaires de l'engagement pris. Et ainsi le texte serait prèt pour le jour où on constatera que le recours au référendum est possible sans drame et sans excès d'incertitude. Ce jour peut arriver plus vite qu'on ne le pense si les partis, les associations, les simples électeurs favorables à cette mesure se mobilisent pour en expliquer la justice, pour exorciser les peurs, pour montrer le dommage et la vanité des tentations de repli sur soi.

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Amour, miséricorde et charité

 

           Des amis « bien intentionnés » relaient constamment pour me les envoyer, apparemment sans toujours les examiner de près, des textes polémiques fustigeant tous ceux qu’abhorrent la droite de la droite et les catholiques les plus identitaires. Parmi les cibles habituelles : l’islam – pas les djihadites ou les islamistes, non, l’islam et les musulmans sans distinction.

            C’est ainsi que j’ai pu lire récemment un texte qui demandait ironiquement combien de fois le verbe « aimer » se trouvait dans le Coran, et qui répondait : « pas une seule fois », tandis  que la guerre, le supplice, et encore plus le châtiment ou le mécréant (pour le condamner) sont cités abondamment. On concluait « aimer n’est pas musulman, mais chrétien ».

Certes, en moins de dix minutes, j’ai trouvé plusieurs versets du Coran où Dieu était sujet de verbes comme « aimer » ou « être miséricordieux », mais ne chipotons point, il peut y avoir des variantes dans les traductions, et il est vrai que les mots « aimer » et « amour » sont très rares.

Mais on trouvera des dizaines et des dizaines de fois les mots « miséricorde » et « miséricordieux ». La miséricorde est même un des attributs de Dieu que le Coran affectionne le plus, il est rappelé en tête de toutes les sourates sauf une.. On s’est bien gardé de prendre ce mot en compte. Il aurait fait s’écrouler tout l’édifice.

Et on ne s’est pas demandé non plus dans quelle mesure et depuis quand le mot « amour » caractérise, en tout cas dans notre langue, le christianisme. Dans un Nouveau Testament d’il y a 80 ans, trouverait-on ce mot ? On y lirait le mot « charité », qui d'apès le latin caritas traduisait alors le grec agapè. Et le fameux hymne à l’amour de la Première aux Corinthiens (au chapitre 13) chantait encore en ma jeunesse la charité. L’amour portait alors chez nous les habits de la charité, comme dans le Coran il porte ceux de la miséricorde.

Masculin-féminin

Une réflexion (théologique, mais n'ayez pas peur) très intéressante sur :

http://aubonheurdedieu-soeurmichele.over-blog.com/article-masculin-feminin-une-difference-non-definissable-comme-dieu-est-non-representable-117571608.html

Actualité : mariage gay, mosquées

Pour et contre le mariage gay

L’actualité fait parfois réagir. C’est ainsi qu’après avoir lu l’hebdomadaire La Vie du 21 mars j’ai envoyé à la rédaction le message suivant :

« Je viens de lire votre double page "Les opposants au mariage pour tous durcissent le ton". Vous y reproduisez des paroles qui m'ont scandalisé.

De Frigide Bardot : "Ce projet de loi livre l'être humain au négoce, elle en fait un objet de transaction"

D'Aude Mirkovic" : "Le projet suppose la fabrication d'enfants pour des personnes de même sexe"

Je suis allé chercher sur internet le texte voté en première lecture à l’Assemblée, et je l'ai lu d'un bout à l'autre Je n'y ai trouvé rien de tel, ni rien qui oblige à ce que de telles choses se développent.

Problème : même sans prendre ces affirmations à votre compte, puisque elles sont entre guillemets, aviez-vous le droit de lancer dans le public ces inventions sans avertir vos lecteurs de l'imposture ? À moins qu'on ne considère que l'adoption (il n'est question dans le projet d'aucune autre source de parentalité commune pour le couple de même sexe) constitue un négoce d'êtres humains, une fabrication d'enfants pour les adoptants ! »

 

Pour et contre les mosquées en Norvège … et en France

Sur un tout autre sujet, j’ai reçu d’un correspondant par internet un message qui lui aussi m’a fait réagir. Voici l’essentiel de ce message :

Objet : Pas de mosquée en Norvège

LA NORVEGE EXEMPLAIRE...Est-ce le prélude à une prise de conscience réaliste de l'Europe ?
 La France suivra-t-elle cet exemple ? > Le gouvernement saoudien et de riches donateurs privés d'Arabie Saoudite, voulaient financer des mosquées en Norvège...

... Or, le ministère des Affaires étrangères vient non seulement de refuser d'approuver ce financement, mais il a également répondu au Centre  islamique Tawfiiq, qu'il serait " paradoxal et contre nature d'accepter le financement venant d'un pays qui n'accepte pas la liberté religieuse ."

... Encore une nouvelle qui nous parvient par le net.

Elle est pourtant transmise par toutes les agences de presse, mais probablement sur une fréquence que le service audiovisuel national  français ne reçoit pas......

Et voici la réponse que je lui ai faite :

« Pourquoi défigurer le message envoyé par le gouvernement norvégien en titrant : "Pas de mosquée en Norvège" ? Le titre honnête serait :" Pas de mosquée saoudienne en Norvège, tant qu'il n'y a pas de liberté religieuse en Arabie Saoudite !" ou plus brièvement : "Pas de mosquée à financement saoudien en Norvège".

La "simplification" du titre par ceux qui diffusent cette nouvelle ne révèle-t-elle pas quelques arrière-pensées, hostiles à toute mosquée et au libre exercice de la religion musulmane chez nous  ? »

La forme interrogative de la dernière phrase de ma réponse est évidemment rhétorique. Il y a effectivement ces arrière-pensées dans le texte qu’on m’a envoyé. Cela dit, je tiens à dire aussi que les raisons données par le ministre norvégien sont, elles, parfaitement justes. Mais il n’est pas acceptable d’exploiter cette justesse pour lancer le slogan « Pas de mosquées ! ».  J’ai fait connaître cet échange de correspondances à des amis qui éditent la petite revue La Maison islamo-chrétienne, et ils vont y faire écho (www.lamaisonislamochretienne.com )

(23 mars 2013)

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  27 mars - Tibhirine

        En ce 27 mars 2013, impossible de ne pas penser à ce qui s’est passé dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, vers 1 heure du matin. Sept moines de Tibhirine ont été enlevés par un commando de la guérilla islamiste qui était en guerre avec les autorités algériennes, et emmenés dans la montagne. Au mois de mai suivant, on n’a pu retrouver et enterrer que leurs têtes. Si les circonstances de leur enlèvement sont à peu près claires, celles de leur mort restent inconnues. Par leur pratique de la fraternité, par leur volonté de rester au plus près d’un village musulman avec lequel ils avaient noué des liens très forts et qu’ils aidaient à demeurer hors du conflit, ils gênaient beaucoup de monde. Martyrs de la foi ? Martyrs plutôt de cette fraternité au-delà de toute frontière à laquelle leur foi les avait amenés.

En cet anniversaire, c’est le moment de relire un texte que frère Christian, leur prieur, avait envoyé à sa famille un peu plus de deux ans auparavant, après les premières alertes.

 

Quand un A-DIEU s'envisage...

  Poursuivre lalecture sur

http://www.moines-tibhirine.org/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=79&Itemid=110

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16 juillet 1942 - 16 juillet 1995 

            On fait généralement crédit à Jacques Chirac d’avoir apporté une clarification bien venue en reconnaissant publiquement la responsabilité de l’État français dans le sort fait aux juifs en France de 1940 à 1944, et notamment leur déportation vers les camps de la mort.

            Il me semble cependant que, si louable qu’en ait été l’intention, sa déclaration du 16 juillet 1995, ou en tout cas la manière dont elle a été reçue, a engendré de la confusion. Voici pourquoi.

J’ai eu onze ans au cours de l’été 1940. De cette période, on s’en doute, il m’est resté des souvenirs forts. En voici quelques-uns, dans deux domaines.

D’abord les juifs. Très vite, après l’installation du nouveau pouvoir à Vichy en juillet 1940, la presse inféodée au régime les a attaqués, et des mesures officielles ont suivi. Des professions leur ont été interdites. Je suis certes incapable de me rappeler si ce fut au bout de quelques semaines ou de quelques mois, mais c’est venu très vite. Cela m’avait d’autant plus frappé que le jeune raisonneur que j’étais avait décelé une inconséquence dans les dispositions arrêtées : pour coincer les juifs sans pratique religieuse ou passés à d’autres religions, on avait décrété que serait tenue pour juive toute personne ayant trois grands-parents de religion israélite, ou même seulement deux si le conjoint était lui-même juif. Mais alors que faire avec un couple dont les deux conjoints auraient eu chacun deux grands-parents juifs ? On serait successivement renvoyé de la judéité problématique de l’un à celle de l’autre, et cela sans fin. Voilà pourquoi ce souvenir s’est incrusté, même si je ne connaissais pas alors, ou croyais ne pas connaître, de juifs dans mon entourage proche.

Dès lors, quand des mesures plus graves ont été prises, je n’ai jamais pu douter que les autorités de Vichy y étaient partie prenante, à commencer par le port obligatoire de l’étoile jaune, qu’on ne pouvait pas ne pas voir dans les rues. Et quand après la Libération on a connu toute l’étendue et le violence de la persécution antijuive, des déportations dont on a su où elles aboutissaient, et notamment cette rafle du Vel d’hiv opérée par la police française, évidemment sur l’ordre des autorités supérieures, la participation de Vichy, de l’« État français » a toujours été pour moi évidente.

S’il en est ainsi, pourquoi parler de confusion ? Ici intervient une deuxième catégorie de souvenirs.

Aussi vite, plus vite même peut-être que ne sont apparues les mesures antijuives, on a vu disparaître les symboles de la République, en même temps qu’on faisait tout pour déconsidérer les hommes et le fonctionnement du régime ainsi balayé, dénoncés comme responsables de la défaite.. La devise « Liberté, égalité, fraternité » a été remplacée par « Travail, famille, patrie », la Marseillaise a perdu le couplet appelant à résister à l’invasion et a été concurrencée par « Maréchal nous voilà », la francisque mérovingienne a remplacé les symboles républicains sur les pièces de monnaie nouvelles, et sur ces pièces, sur les papiers officiels et partout où c’était possible « République Française » a fait place à « État français ». L’État français mettait à mort la République française.

Or, en 1995 pour tous les Français, habitués depuis des décennies à vivre en république, l’État et la République c’est la même chose. L’État français et la République française, cela semble être la même chose, sauf pour les plus vieux qui se souviennent qu’il fut un temps où « État français » n’était pas une expression neutre, mais le nom que s’était donné, pour bien proclamer sa différence, un régime antirépublicain. Oui, il y a une responsabilité de cet « État français » dans le sort fait aux juifs en France après 1940.. Mais imputer en 1995 à l’État français, sans guillemets, la responsabilité de ce qu’a fait Vichy, cela conduit les Français qui ont grandi après la Libération à imputer à la victime, la République, la responsabilité des crimes de son bourreau.

De 1942 à 1995 ou aujourd’hui, dire « l’État français » n’a plus le même sens. En 1942 c’était nier la République, aujourd’hui c’est parler d’elle. Oui il y a risque de confusion.

 

À vrai dire, la phrase de Jacques Chirac, bien lue, pouvait ne pas donner trop dans la confusion : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l 'État français. Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942 … ». Il s’agit de l’État français de cette époque, époque où, à Londres, De Gaulle faisait tout pour qu’on sache que Vichy, ce n’était pas la France, ou en tout cas pas toute la France. On semble aujourd’hui l’oublier. Le texte de Jacques Chirac ancrait l’affirmation dans des dates précises, beaucoup ont compris que ce qu’a fait Vichy engageait notre République.

 

 

Une preuve que ce risque de confusion est réel. Dans le supplément « Culture et Idées » du Monde du samedi 23 juin 2012, interview d’Antoine Garapon : « Nous sommes dans une démocratie où montent sans cesse des demandes de reconnaissance. Face à elles les institutions ont une extrême pauvreté de moyens. Le président de la République a ce pouvoir. Jacques Chirac l’a montré le 17 juillet 1995, lors du discours du Vel d’Hiv reconnaissant la responsabilité de la France dans les crimes de Vichy. Cet acte a eu des effets extraordinairement apaisants, c’est un des grands moments de sa présidence. » Il ne s'agit plus dans ce texte de l'État français, mais tout simplement de « la France ». Et il est vrai que Jacques Chirac avait dit dans son discours :  « La France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable ».

Si « la France », sans précision ni restriction, est responsable des crimes de Vichy, que reste-t-il de la longue bataille menée par Charles de Gaulle pour faire savoir que Vichy, soumis à l'ennemi, ne pouvait représenter la France ? Cette bataille difficile a fini par être gagnée et par permettre à notre pays d’être compté en 1945 parmi les vainqueurs, faut-il brader cela ? Ces combats de la France libre, Jacques Chirac en a parlé aussi dans son discours de juillet 1995, il a rappelé qu’en cette même année 1942 une autre France se battait dans les sables de Libye, ou, en France même, cachait et protégeait ses juifs. Mais on ne lit pas son discours jusqu’au bout, on brandit une phrase et cela déforme tout.

Pour ou contre Manuel Valls

 

   Je n'ai pas la solution. Mais la première chose, avant de polémiquer sur ce qu'il faut faie ou ne pas faire, c'est de se rendre compte de la situation réelle, souvent catastrophique, que connaissent dans leur pays tous ces gens qui viennent frapper à notre porte ou à celle de l'Europe. Les Roms, les Érythréens, les Somaliens, etc. S'ils se décident à partir de chez eux, malgré les conditions éprouvantes du voyage et l'accueil sur lequel ils ne se font guère d'illusion, il doit bien y avoir une raison.

   Commençons par les Roms de Roumanie. Ils savent qu'ils ne trouveront en France que le "logement" en bidonville, et pour les ressources que les petits boulots, la mendicité, parfois le chapardage. Et pourtant ils se mettent en route.. Le Monde a publié récemment un reportage sur un village rom de Roumanie, Retour à Tinca. Je vous invite à le lire. Vous le trouverez sur

http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2013/10/10/roumanie-retour-a-tinca_3492888_3208.html

NB (ajouté le 22 octobre). Lorsque j'ai écrit ce texte, l'article du Monde était en lecture libre. Je viens de me rendre compte qu'il est désormais protégé, donc en accès libre pour les abonnés, et payant pour les autres  C'est dommage.
   Si certains de mes lecteurs ont un bon reportage à recommander sur ce qui se vit en Érythrée, en Somalie, dans d'autres pays de départ, qu'ils le signalent dans un commentaire. Ils rendront service.

 

Les 35 heures, encore

Le Monde m’apprend que le lundi 21 janvier, lors du voyage des députés à Berlin, Jean-François Copé a redit (à l’étranger) tout le mal qu’il pense de la politique économique française, en incriminant particulièrement les 35 heures, qualifiées de catastrophe dont on n’a pas réussi à sortir..

On en oublierait presque que ces 35 heures n’étaient réellement appliquées que depuis peu quand, en 2002, le pouvoir est passé de la gauche à la droite, et que pendant dix ans les amis de M. Copé ont disposé de la Présidence de la République, du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale, et même du Sénat sauf les deniers mois.

Ils avaient parfaitement le pouvoir, s’ils le voulaient, d’abroger la loi votée sous le Gouvernement Jospin. Ils ne l’ont pas voulu. Craignaient-ils les réactions de la rue ? Celles-ci ne les ont pourtant pas empêchés de faire passer la réforme des retraites telle qu’ils avaient vraiment décidé de l’imposer. Étaient-ils moins convaincus qu’ils ne le disaient ? Ou bien, voyant qu’une partie consistante de l’opinion approuvait leur critique, ont-ils préféré perpétuer ce thème de propagande, et garder les 35 heures pour mieux continuer à en dire du mal ? En tout cas ils n’ont pas voulu, dix ans durant, supprimer la loi.

Cette abstention remet à leur juste place les propos de pure propagande.

27 janvier 2013

 

"Choisir la France" ? 

            Le slogan qu’a choisi l’U.M.P. pour cette campagne législative, c’est : « Ensemble choisissons la France ». Ce slogan est bizarre. Voici pourquoi.

            Dans chaque parti en lice on est persuadé, c’est normal, que le programme qu’on propose est le meilleur et le plus utile au pays. Un slogan tel que « Choisissons le meilleur pour la France » ne m’aurait pas étonné. Il aurait signifié que, aux yeux des militants de l’U.M.P., leur programme est le meilleur, et que les électeurs qui voteront pour d’autres choisiront un programme qui n’est pas le meilleur. Ils ont bien le droit de penser cela.

            Mais que veut dire le fait que « Choisissons la France » est mis en avant pour appeler à voter U.M.P. ? S’il ne s’agit pas de paroles en l’air, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : choisir les candidats U.M.P. c’est choisir la France. Ceux qui voteront pour d’autres choisiront donc autre chose que la France ? Cette manière d’insinuer que les autres, tous les autres, font un choix non authentiquement français est-elle supportable ?

            Il ne manque pas à l’U.M.P. de dirigeants plus conscients, plus respectueux de l’autre, que Jean-François Copé. Comment ont-ils pu entériner un slogan qui insulte les électeurs des autres partis ? On se retrouve dans la même aberration que lorsque N. Sarkozy avait invité ses partisans à venir à son meeting du Trocadéro munis d’une forêt de drapeaux tricolores, ravalant ainsi le drapeau de la nation, le drapeau de tous, au rang de signe de ralliement d’une fraction dans sa rivalité avec d’autres fractions.

            À la réflexion de telles dérives sont moins étonnantes qu’il ne semble. Chez les Britanniques, les conservateurs reconnaissent, par le nom même qu’ils se sont donné, qu’ils ne sont pas tout le pays. La droite en France ne se résout pas à être une fraction, tantôt minoritaire et tantôt majoritaire, de la nation. La droite chez nous est persuadée que les positions qu’elle défend sont tout simplement l’expression de la nature des choses, et en aucune manière l’expression d’une idéologie particulière. L’idéologie, croit-elle, ne peut se trouver qu’en face. Dès lors toute victoire d’un autre camp que le sien à une élection ne peut lui paraître autre chose qu’une erreur, une « effraction », selon le mot prononcé récemment par Alain Minc. Il est donc, pour ces gens, naturel que la droite soit au pouvoir, et artificiel que d’autres y parviennent. D’où cette tentation de s’identifier à la nation, au drapeau, sans se rendre compte qu’ainsi on en exclut les autres, tous les autres.

1er juin 2012
 

Un ancien président du parlement israélien s'exprime

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Laurent Fabius au Quai d’Orsay

            Cette nomination a pu paraître paradoxale à certains. Par exemple l’éditorialiste du Monde écrivait dans le numéro du 18 mai : « L’ancien premier ministre est l’homme qui cristallisa le ‘non’ des Français au référendum sur l’Europe du 29 mai 2005. Le voilà chargé de la diplomatie au moment précis où il faut plus d’Europe ».

            En réalité, je ne crois pas que la campagne de Fabius contre la Constitution européenne en 2005 ait procédé d’une hostilité envers l’Europe elle-même. Comme le remarque l’éditorial du Monde « les partisans du ‘non’ dénonçaient de trop nombreuses références à la concurrence et au marché, bref une coloration ‘libérale’ trop prononcée ». Ils pensaient pouvoir faire advenir une autre Europe par leur vote.

            Était-ce possible ? Je me contenterai d’aller chercher dans mes ‘archives des notes d’actualité’ le texte que j’avais mis en ligne à l’automne , au moment de la primaire :

Montebourg, Fabius et le Non à la Constitution européenne

              Au cours de la campagne des primaires socialistes, Arnaud Montebourg a rappelé discrètement, mais à plusieurs reprises, qu’il avait voté Non en 2005 au référendum sur la Constitution européenne. Il voulait ainsi mettre en avant le sérieux de son engagement contre l’ultralibéralisme en économie. Pour attirer au second tour les électeurs de Montebourg vers Martine Aubry (qui avait voté Oui), Laurent Fabius a rappelé que lui-même, soutien de poids de la candidature Aubry, avait promu le Non. Le but de ce Non de gauche (à distinguer du Non souverainiste du Front National, de certains à droite et de Chevènement) était d’opposer une barrière efficace aux effets antisociaux des dispositions ultralibérales contenues dans certains articles du projet.

            L’enterrement du projet de Constitution européenne a-t-il eu le moindre effet contre les excès de l’ultralibéralisme ? Aucun. Et s’il n’en a eu aucun, ce n’est pas parce que la volonté des votants aurait été trahie délibérément, c’est parce que c’était juridiquement impossible. Pourquoi ? Parce que le texte soumis au vote était destiné à se substituer à tous les traités européens signés antérieurement et à les rendre caducs. Que la nouvelle Constitution soit refusée, comme elle l’a été, les textes antérieurs restaient automatiquement en vigueur et ne pouvaient être modifiés qu’à l’unanimité. 

          Or toutes les dispositions ultralibérales du projet de Constitution, je dis bien toutes, étaient déjà présentes dans l’un ou l’autre des traités antérieurs et n’avaient été jointes, dans le texte soumis à référendum, aux règles nouvelles de fonctionnement des institutions que pour réunir en un seul texte tous les acquis des traités successifs. La lucidité imposait de prévoir que le rejet de la Constitution les laisserait subsister dans toute leur force, et n’abolirait que les quelques petits contrepoids, certes insuffisants, que certains négociateurs avaient réussi à introduire dans le projet. Il en a été ainsi, et quand le traité de Lisbonne, signé en décembre 2007, a repris la plupart des innovations concernant les institutions (présidence permanente du Conseil européen, extension des pouvoirs du Parlement), il s’en est tenu prudemment aux questions institutionnelles, pour le reste c’était trop tard.

            Ceux qui ont participé au vote Non de gauche ont été trompés sur les effets possibles de leur vote. La suite n’a fait que confirmer ce à quoi, dès avant le scrutin, on pouvait s'attendre pour peu qu’on veuille bien regarder de près les textes et ce que prévoit le droit en matière de traités internationaux. Dans les conditions qui étaient celles de l’Europe à ce moment-là, aucune dynamique du Non dans deux pays sur une vingtaine ne pouvait balayer le droit. Il n’y a pas à s’énorgueillir d’avoir été marchand d’illusion

 

..          Dès lors je ne dirai pas que le nouveau ministre a été antieuropéen, je crois à ses convictions européennes, je m’inquiéterai seulement de son manque de lucidité en cette affaire ou, s’il a été lucide (intelligent comme il l’est, a-t-il pu ne pas voir ?), de son ambition de coller à tout prix à un mouvement d’opinion qui prenait de l’ampleur.

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Les étrangers, Sarkozy, et les municipales

Dans un reportage sur le 20 heures de France 2, diffusé le 25 octobre 2005, Nicolas Sarkozy déclarait alors qu'il avait "considéré que le débat sur le droit de vote aux seules municipales pour les étrangers présents depuis 10 ans sur le territoire national, respectant nos lois, payant leurs impôts et ayant des papiers, était une question qui devait être ouverte... En ce qui me concerne j'y suis favorable".

            Il est possible de retrouver la vidéo de cet entretien avec une journaliste sur le site http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2011/11/24/2645395_droit-de-vote-des-etrangers-quand-sarkozy-change-d-avis-comme-de-chemise.html

            M. Sarkozy a le droit d’avoir changé d’avis, quel qu’en soit le motif. Mais il n’a pas le droit de chercher à faire passer ceux qui professent aujourd’hui son opinion de 2005 pour des gens qui n’aiment pas la France, comme il a tenté de le faire le dimanche 19 février à son meeting de Marseille.

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Faut-il hiérarchiser les civilisations ?

   « Les civilisations n’ont pas toutes la même valeur ». Ce propos de Claude Guéant avait l’allure d’une provocation. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas répondre aux provocations, sauf en rétablissant sans hargne quelques faits, ou par l’humour, comme le fait si bien Xavier Gorce dans Le Monde.

Indégivrables Guéant

   Il est bien sûr que je n’aurais pas utilisé contre M. Guéant les mêmes mots vengeurs que Serge Letchiny, le député de la Martinique, mardi 7 février. Mais je ne suis pas nègre, je ne suis pas descendant d’esclaves. La traite des nègres aurait-elle existé, aurait-elle été même concevable, si dans la civilisation blanche européenne on n’avait pas considéré que les nègres faisaient partie d’une civilisation inférieure, voire d’une non-civilisation puisqu’on parlait de sauvages ? Et il est bien vrai qu’entre hiérarchiser les civilisations et hiérarchiser les races il n’y a souvent que l’épaisseur d’un cheveu. M. Letchiny le sait, dans sa chair même, et dans l’histoire de sa lignée. Ses paroles exprimaient sa blessure. Sur les images de la télévision, j’ai vu M. Guéant en sourire.

   Je conseille à celui qui n’est pas convaincu d’aller visiter au Musée du Quai Branly (jusqu’au 3 juin 2012) l’exposition « Exhibitions, l’invention du sauvage », il verra comment cette hiérarchisation a conduit à exhiber comme au zoo les « sauvages » d’Afrique ou d’ailleurs lors des expositions universelles ou coloniales de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème.  Et je tiens Lilian Thuram, qui a voulu cette exposition, comme de ce fait plus humaniste que bien d’autres.

   Sur le fond, je suis bien convaincu que tout ne se vaut pas dans ce que nous offrent les civilisations. Dans chacune on peut repérer des choses exaltantes et d’autres qui nous attristent. La hiérarchie n’est pas à chercher entre les civilisations, mais à l’intérieur de chacune. Pour ne blesser personne, je choisirai une brillante civilisation du passé, celle dont, professeur de grec ancien et de latin, je n’ai cessé de chercher la promotion, et qui est une des trois sources des valeurs de notre civilisation européenne moderne. Nous devons au monde gréco-romain la démocratie, née à Athènes, le droit romain, la tragédie, les premiers efforts de la pensée scientifique, et bien d’autres choses qui contribuent à l’humanisme. Mais tout cela, et le loisir que ces activités gratifiantes exigeaient, n’aurait pu exister sans cohortes d’esclaves, dont le statut juridique était celui de choses appartenant à leur maître. Autre remarque : je n’ai aucune envie de vivre dans une tribu amazonienne, mais est-on sûr que l’individualisme qui fleurit dans notre monde développé européen ne soit pas considéré comme inférieur dans ces tribus ?

   Il y aurait encore bien d’autres réflexions à mener sur ce sujet. 

(octobre 2011)

Un sujet de tristesse   

  C’est cette polémique contre ceux qui proposent que les étrangers établis en France depuis cinq ans et y vivant légalement participent aux élections municipales.

D’abord, quoique beaucoup de gens l’ignorent ou l’aient oublié, c’est déjà le cas pour les étrangers citoyens d’un pays membre de l’Union Européenne. Cela a-t-il altéré la vie de nos communes ? Il ne s’agit donc que d’une extension.

Ensuite il y a ce principe démocratique qui veut que qui paie des impôts doit pouvoir dire son mot sur la manière dont ils sont décidés. Certes, les impôts nationaux sont mis au point par des responsables (Président, Gouvernement, Parlement) qui sont aussi et d'abord en charge de la souveraineté du pays, et il n’est pas question de faire participer des étrangers à leur élection, même si cette exclusion ne va pas sans une certaine injustice pour ce qui concerne le vote des impôts qu'ils paient. Mais au niveau des collectivités locales, dont dépend une grande part de la vie quotidienne de tous les habitants, je ne puis considérer comme conforme à la justice d’écarter ceux qui sont nos voisins de tous les jours. Et nos conseils municipaux n’en seraient que plus enclins à prendre en considération les intérêts et le bien-être de tous, français ou non.

Là aussi, la montée d’instincts xénophobes me rend triste. Le vrai patriotisme, c’est peut-être de tout faire pour épargner à son pays la souillure de telles dérives.

30 avril 2012


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Et, ce 2 mai, je reçois d'un ami né brésilien, professeur d'université à la retraite, le témoignage que voici :

       Regardé hier soir, sur France 3, avec émotion, un épisode, « La souricière », de la série « Un Village français »  —  le jour même où le ”candidat président” osait demander aux syndicats de « déposer le drapeau rouge » et de « servir la France », rejetant ainsi les représentants des travailleurs dans le camp de l’ « anti-France », comme on disait naguère.

      Français par naturalisation depuis un demi-siècle, j’aime, moi, ce pays qui m’a accueilli et traité généreusement. Je n’ai jamais été communiste, je n’ai jamais accompli d’actes héroïques, je ne sais même pas, hélas, comment je me serais comporté dans ces circonstances tragiques. Mais la mémoire de tous ces braves —  notables, fonctionnaires, ouvriers, femmes, hommes, vieillards, enfants, Français “de souche” ou pas, communistes, gaullistes, catholiques, protestants, juifs, athées…  qui, unis, se sont sacrifiés pour leur pays et pour leurs convictions  — me touche et m’émeut profondément. Cette mémoire, je l’ai faite mienne, je la respecte - moi modeste citoyen venu d’ailleurs, qui n’ai pas oublié ce mot célèbre de Thomas Jefferson : "Every man has two countries - his own and France."

     Nicolas Sarkozy comprend-il seulement ce qu’est la France, ce que veut dire “être Français” ? En pointant du doigt, ce premier mai 2012, les porteurs de drapeaux rouges, cette mémoire,  cet honneur, Nicolas Sarkozy  les a trahis.. 

 

Un appel de chrétiens de la région de Bethléem

   Je relève dans le Bulletin de décembre 2011 de l'Oeuvre d'Orient (organisme officiel de l'Église catholique romaine en France pour la solidarité spirituelle et l'aide matérielle en direction des chrétiens d'Orient) l'information que voici :

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   Comment empêcher que ce vol soit consommé (car le mot confiscation est une litote trop indulgente) ? Peut-être écrire à l'ambassade d'Israël ? (3 rue Rabelais, 75008 Paris - fax : 0140765555)

 

 

Quand des smicards assurent notre sécurité

            Depuis qu’a commencé la grève des agents de sécurité dans divers aéroports, il a été beaucoup question du trouble causé aux voyageurs, c’est bien évidemment légitime, et aussi des propositions de réforme du droit de grève avancées par des députés UMP aussitôt en embuscade. Mais sur les raisons de cette grève, les médias nous ont d’abord dit seulement qu’il s’agissait de salaires et de conditions de travail, sans aucune précision.

            Dans Le Monde du mardi 10 décembre j’ai enfin pu trouver des indications sur ce que gagnent ces agents : « Aujourd’hui la rémunération des 10 000 personnes qui travaillent sur ce secteur s’échelonne de 1 100 à 1 600 euros ». Ainsi la rémunération nette la plus basse, celle des nouveaux embauchés je suppose, dépasse de quelques euros le SMIC, et la rémunération la plus haute ne le dépasse que de moitié. Voilà pour les salaires des gens qui sont responsables de notre sécurité dans les airs face au terrorisme. Quant aux conditions de travail : « des pauses déjeuner de vingt minutes, selon la convention collective en vigueur ». On ne parle pas du stress, des passagers impatients, de l’attention à ne pas relâcher, des horaires changeants.

            Encore m’a-t-l fallu, pour connaître ces détails, lire les petits caractères de l’article lui-même. Si je m’étais contenté (et qui donc ne s’en contente pas souvent ?) de me fier au titre en plus grosses lettres, j’aurais seulement lu : « La grève des agents de sécurité perturbe les vols à Lyon, Toulouse et Paris », avec en sous-titre : « L’UMP veut un préavis légal de 48 heures avant un arrêt de travail dans les aéroports ». J’aurais tout su de ce que veulent les députés UMP, qui ne sont pas au SMIC, mais je n’aurais rien su des conditions réelles de rémunération et de travail des grévistes.

            Je rêve d’un journal qui titrerait, ou d’un présentateur de télévision qui annoncerait : « Les agents de sécurité des aéroports commencent au SMIC » ou bien « Les agents de sécurité des aéroports doivent déjeuner en vingt minutes ». Cela remettrait certaines indignations à leur place.

            Je rêve.

(décembre 2011)
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Qu'aurait dit Louis XIV

si Colbert ou Louvois, après avoir commandé un rapport à certains de leurs subordonnés sur une question sensible, avaient prétendu soustraire ce rapport au regard de leur souverain ?

            Le Monde du mardi 22 août informe que Luc Chatel, ministre de l'Éducation, a décidé de ne pas rendre public le rapport que l'Inspection générale vient de lui remettre sur la sécurisation du baccalauréat.

            M. Chatel, comme hélas! trop de ministres de tous bords avant lui, oublie que d'après notre Constitution le souverain, en France, ce n'est pas une personne, c'est l'ensemble des citoyens, c'est le Peuple, et que celui-ci ne peut exercer pleinement et correctement sa souveraineté lors des suffrages si certains éléments détenus par ses serviteurs ont été dérobés à sa connaissance

(août 2012)

          Même remarque à l'intention de M. Frédéric Mitterrand, puisque Le Monde du 13 février m'apprend qu'il a décidé non eulement de ne pas publier, mais même de ne pas archiver un rapport qu'il avait pourtant commandé et qui lui a été remis. Quelle désinvolture à l'égard du Souverain !

(février 2012)

 

La réforme des retraites (suite) 

              Le 1er juillet, la réforme sarkozyenne des retraites est entrée en application, l'âge minimal du départ à la retraite est porté progressivement de 60 à 62 ans. Lors du débat, la propagande favorable à ce bouleversement avait martelé que la France était le seul pays d'Europe où cet âge minimal était de 60 ans.

Je suis allé rechercher la double page sur laquelle Le Monde (7 septembre 2010, supplément Économie, p. 4-5) exposait en détail où en étaient là-dessus nos voisins. En Espagne, l'âge légal était de 65 ans, avec le projet de le porter progressivement à 67, mais des préretraites existaient à partir de … 52 ans ! Il était question de relever cette limite à 58, mais ce n'était pas encore fait. En Italie, l'âge pour une pension de vieillesse était de 65 ans (60 pour les femmes), mais on pouvait dès 35 ans d'activité faire jouer un droit au départ avec une "pension d'ancienneté". Calculez à quel âge cela permettait de partir quand on avait commencé à travailler à 18 ans, ou à 20, ou même à 23 : avant 60 ans. Certes, une réforme en cours portera en 2013 à 40 ans la durée d'activité requise pour cette pension, elle permettra encore à ceux qui ont travaillé tôt de partir sans condition dès 60 ans, ou même avant pour certains.

Bien sûr, la prestation italienne ne porte pas le nom de "pension de retraite", c'est une "pension d'ancienneté", Prétendre que la France seule prévoyait la retraite à 60 ans n'était donc pas formellement un mensonge au sens le plus strict, mais on jouait sur les mots. Imposture ?

 

Nouvelle mauvaise surprise le 5 juillet. Se fondant sur la progression de l'espérance de vie relevée par le Conseil d'orientation des retraites, le gouvernement annonce une augmentation, pour les salariés nés en 1955 et plus tard, de la durée de cotisation exigible pour une pension au taux plein. La mesure se fonde sur une stipulation de la réforme de 2003 : on surveillerait l'évolution de l'espérance de vie à partir de 60 ans, et son allongement pourrait engendrer des rectifications. Or cette espérance vient de passer en quatre ans de 21,8 à 22,4 ans pour les hommes, de 26,7 à 27,2 pour les femmes. Il serait donc justifié d'augmenter proportionnellement la durée de cotisation.

On n'a "oublié" qu'un détail. Le point de départ du calcul, 60 ans, était en 2003 celui de l'âge légal de la retraite. Cet âge est en train de monter par paliers jusqu'à 62, en vertu de la récente réforme. Les natifs de 1955 ne pourront toucher leur retraite qu'à 61 ans et 8 mois. De ce fait, si l'espérance de vie à partir de 60 ans s'accroît effectivement, l'espérance de vie à partir de l'âge de la retraite va, elle, diminuer au cours des prochaines années. Nouvelle imposture ?

 

En complément, voici le texte envoyé au courrier des lecteurs du Monde le 8 juillet

Un silence destiné à abuser ?

Le plaidoyer de M. Xavier Bertrand, dans Le Monde du 8 juillet, m'a scandalisé, parce qu'il a passé sous silence un élément-clé du débat. Cette omission ne peut pas être involontaire.

"Le gouvernement, écrit-il, ne fait qu'appliquer la loi" lorsqu'il relève le temps de cotisation  qui sera exigé des salariés nés en 1955, parce que l'espérance de vie au-delà de 60 ans a progressé. Mais si l'âge de 60 ans a en effet été pris pour référence dans la loi de 2003 qu'il invoque, c'était parce que l'âge légal de la retraite était alors celui-là. La loi de 2010 a changé la donne, et il est abusif de ne pas en tenir compte. Quand les salariés nés en 1955 arriveront à 60 ans, en 2015, ils devront encore attendre d'avoir atteint 61 ans et 8 mois pour toucher leur retraite. De ce fait, au cours des prochaines années, l'espérance de vie à partir de l'âge de la retraite ne va plus progresser, mais diminuer. Les gains absolus d'espérance de vie, entre un mois et demi et deux mois par an au mieux (ce fut le cas de 2006 à 2010 selon les statistiques de l'INSEE qu'on met en avant), seront inférieurs au recul de quatre mois infligé chaque année à l'âge légal du départ. Voilà ce dont la décision gouvernementale ne tient pas compte, et dont M. Bertrand a évité de parler.

 

Hospitalité

             "Début avril, la petite Tunisie se battait pour accueillir dans la dignité et l'efficacité près de 225 000 réfugiés en provenance de Libye (soit 1 350 000 personnes à l'échelle de la France). Parmi eux 8 000 à 10 000 n'ont pas où aller, car originaires du Darfour, de Côte d'Ivoire ou d'autres pays en situation difficile. Au même moment, les pouvoirs publics français choisissaient de communiquer sur l'arrestation de 2 800 Tunisiens en situation irrégulière ! Je trouve cela indécent."

            C'est une remarque d'Elyès Jouini, tunisien, dans le supplément économique du Monde, mardi 19 avril 2011.

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Prières dans la rue

 

              Les musulmans de certains quartiers de nos grandes villes ne disposent que de salles de prière étriquées, souvent dans des locaux mal adaptés. Alors, surtout lors de vendredis plus solennels, leur foule déborde au dehors, et elle étale ses tapis de prière sur la chaussée, obstruant la rue. Comment réagir à ce scandale de croyants contraints à de tels expédients ? La solution évidente serait que les musulmans de France puissent, à l'instar des catholiques ou des protestants, construire des lieux de culte suffisants en nombre et en ampleur, et que nous les y aidions, sans qu'il se signe des pétitions hostiles des voisins et que se multiplient les obstacles administratifs dès qu'il est question de bâtir une mosquée sur un terrain disponible. Mais non, certains font tout ce qu'ils peuvent pour s'opposer à l'égalité entre tous les croyants (si nous avons le droit d'avoir des clochers sur nos églises, la mosquée a le droit d'avoir un minaret !), et osent comparer ces débordements sur la rue à l'occupation nazie. Voilà une comparaison assez ignoble.

 

N.B. Quelques mosquées dignes ont pu effectivement être construites ces dernières année, à Evry, à Gennevilliers. C'est l'exception.

 

   Deux ans de chômage en plus ?

            Avant-hier, j'entendais au journal télévisé du soir une information : en France, parmi les personnes entre 55 et 60 ans, seules 56% seraient au travail. Et j'apprends dans la foulée que l'âge moyen de la cessation d'activité se situe chez nous à 58,8 ans. Ce qui implique qu'à 60 ans plus de la moitié des gens sont devenus inactifs. Comme bon nombre d'autres travaillent et travailleront au-delà de 62 ans (j'ai moi-même attendu 63) et ne seront pas affectés par le report de 60 à 62 ans de l'accès à la retraite, cela veut dire que la grande majorité de ceux qui subiront réellement l'impact de la mesure seront en fait, au jour de leurs 60 ans, déjà au chômage ou bénéficiaires de prestations cache-chômage comme une préretraite. Loin de les faire travailler et cotiser plus longtemps, et ainsi contribuer à l'équilibre du système, la réforme les fera simplement chômeurs 2 ans de plus.

            Ainsi, une grande partie des dépenses économisées par les caisses de retraite du fait de ce report à 62 ans retombera sur l'allocation chômage. Cette prétendue réforme est sur ce point une imposture. François Fillon lui-même l'a implicitement avoué : lors d'une émission télévisée sur la 2, dont il était l'invité vedette, il a été interrogé sur ce que deviendront ceux qui entre 60 et 62 ans n'ont plus de travail, et il a répondu benoîtement qu'il conviendra en effet que les partenaires sociaux se saisissent du problème.

            En Finlande, on a d'abord créé les conditions d'un bon emploi des seniors, avant de réformer les retraites. Faute d'en avoir fait autant chez nous, on accouche d'une réforme en trompe-l'œil. Et que dire de la schizophrénie de beaucoup de dirigeants d'entreprise ? Collectivement, par la voix du MEDEF, ils réclamaient ce report à 62 ans, mais individuellement plus d'un, en cas de problème pour ses affaires,  débarque en priorité ou s'abstient d'embaucher les plus de 50 ou 55 ans.

(28 octobre 2010)

 Retraites

            Le report de 60 à 62 ans de l'âge auquel on peut prendre sa retraite ne changera pas grand chose à la carrière des salariés les plus aisés. Ceux-ci ont en général fait des études longues et n'ont commencé à travailler qu'à 23,  25 ans, voire plus tard. Pour obtenir une retraite pleine, beaucoup poursuivaient déjà leur activité au delà de 60 ans, et même de 62.

           Ceux qui vont subir de plein fouet le report, ce sont ceux qui ont commencé à travailler dès 17 ou 18 ans sans avoir la chance (!) d'être reconnus handicapés, ils seront condamnés désormais à 45 ou 44 ans de travail, et cela souvent, vu leur qualification plus faible, dans des métiers manuels usants. Ils arrivaient déjà usés à 60 ans, ils le seront encore plus à 62, ce qui mordra encore plus sur leur espérance de vie.

            Ainsi ce report, auquel tiennent tant nos maîtres provisoires, aggravera plus lourdement le sort de ceux qui vivaient déjà dans les conditions les plus difficiles, le sort des moins privilégiés et des plus démunis. Est-ce supportable ?

(7 octobre 2010)

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Le Théâtre du Soleil était présent dans la manirfestation parisienne du 16 octobre (photographe : D. R.)

 

  Faut-il interdire de prendre sa retraite avant 62 ans ?

            Parmi les hommes et les femmes qui atteindront 60 ans en 2011, certains ont commencé à travailler à l'âge de 16 ans. Que le législateur s'en prenne à ceux qui, entrés dans la vie active à 25 ans et en bonne santé à 60, veulent se reposer après seulement 35 ans de travail et de cotisations, je le comprends et j'y consens, l'accroissement de l'espérance de vie le justifie, et il faut bien augmenter le nombre d'années exigibles pour une retraite à taux plein, cette augmentation est d'ailleurs déjà en train. Mais qu'on prenne prétexte de ces ajustements nécessaires pour édicter ou approuver une mesure générale qui contraindra ceux qui ont commencé dès 16 ans à travailler non plus 44 ans, ce qui était déjà beaucoup, mais 46, je trouve cela honteux. On parle certes d'aménagements au profit de ceux qui ont commencé avant 18 ans, mais même si cette promesse était tenue, il resterait 44 ans de travail pour celui ou celle qui est entré dans la vie active à 18 ans. Qui voudrait de cela pour lui-même ?

            C'est d'autant plus honteux que ceux qui vont arriver à 60 ans dans la prochaine décennie appartiennent à des classes d'âge dans lesquelles l'enseignement supérieur ne concernait encore qu'une minorité, et que beaucoup dans cette génération-là ont commencé à travailler entre 16 et 20 ans, tandis que la grande majorité de ceux, ministres et parlementaires, qui s'apprêtent à aggraver leur sort ont fait des études supérieures et ont commencé à travailler bien plus tard, bref font partie de ceux qui continueront à pouvoir prétendre à une retraite après 40 ans d'activité, ou même moins.

            N'oublions pas non plus que, plus on a commencé tôt à rejoindre le travail, plus il y a de chance que ce soit dans des métiers manuels usants qui ne laissent à 60 ou 62 ans qu'une espérance de vie écornée.

            Et si nous le disions au député de notre circonscription ?

(juin 2010)

Cette note a suscité es commentaires :

Je suis en total accord avec l'auteur de cet article. J'ajouterais simplement que les privilégiés parmi les privilégiés sont ceux qui étaient déjà salariés pendant leurs études, par exemple les élèves de Normal Sup.!
Avec humour et en toute amitié,
Christine Fontaine
Commentaire n°1 posté par Christine Fontaine le 12/10/2010 à 09h10

Ce qu tu dis des privilégiés parmi les privilégiés est vrai, avec cette précision : les anciens des ENS qui prennent leur retraite actuellement sont loin d'être les seuls à jouir de cet avantage. Car quand ils ont fait leurs études, vers 1970, la majorité des nouveaux instituteurs sortait des Écoles Normales départementales avec le même avantage, et il en était de même parmi les nouveaux professeurs du secondaire public grâce aux IPES (Instituts de Préparation aux Enseignements du Second degré). La majorité des recrutés de l'enseignement public du début des années 70 était logée à cette enseigne, et les syndicats étudiants militaient non contre ces privilèges mais pour leur extension (revendication d'un présalaire étudiant). Puis la conjoncture politique s'est retournée, Giscard a supprimé les IPES en 1978, plus tard les Écoles Normales d'instituteurs ont été remplacées par un système moins avantageux. De cet élagage, les normaliens des ENS sont dans la fonction enseignante les seuls rescapés (il y en a dans d'autres ministères, aux impôts par exemple). On peut vouloir au nom de l'équité supprimer ce dernier vestige, mais à condition d'avoir conscience que l'on donne la main à l'achèvement d'une égalisation progressive par le bas. C'est sans doute la raison pour laquelle les syndicats enseignants ne réclament rien de ce genre.

Réponse de Michel POIRIER le 12/10/2010 à 15h04
Merci, mon cher Michel, de cette réflexion, dont j'ai eu grand plaisir à prendre connaissance. Tu as raison, ô combien! Pour des "privilégiés" comme nous, cette réforme n'est pas vraiment dramatique … mais il y a les autres, TOUS LES AUTRES, et je te remercie de le dire si bien … et tous les signes de croix de notre petit maître du moment ne suffiront pas à l'absoudre de cette scandaleuse INJUSTICE !
Commentaire n°2 posté par paulo le 12/10/2010 à 10h19

 

A l'attention de MM. Sarkozy, Fillon, Besson

            Des lois précises encadrent l’action du gouvernement et des préfets lorsqu’il s’agit de la rétention et de l’expulsion d’étrangers. Dans certains cas, comme celui des clandestins débarqués en Corse, l’exécutif a voulu agir de manière plus expéditive. Un juge a dit le droit et libéré les personnes retenues illégalement. Ce rappel à la légalité n’a pas plu. Mercredi 31 mars, il a été présenté en Conseil des ministres un projet de loi destiné à désarmer les juges dans des cas semblables. Une telle réaction manque de dignité.

            Si, quand le respect du droit gêne l’exécutif, on prend l’habitude de changer aussitôt la loi en comptant sur la complicité de députés aux ordres, si un juge qui applique la loi est désormais prévenu qu’en appliquant la loi il la met en danger, que devient l’Etat de droit dont notre pays était légitimement si fier ?

  (avril 2010)

Lecteurs, à vos commentaires !

 

Fier d'être français ?

            Satisfait de l'être, content que le sort m'ait fait naître ainsi, et sans désir d'aller chercher ailleurs, assurément. Mais fier ? Qu'un immigré qui a multiplié les efforts pour s'assimiler, et qui a peiné pour acquérir la nationalité française, soit fier de ce qu'il a obtenu, quoi de plus naturel ? Mais moi ? Né en France de parents tous deux français, me voilà doublement français sans avoir rien fait pour cela. Il serait absurde, et bêtement prétentieux, de me rengorger de quelque chose dont je n'ai été en rien responsable. Doit-on, peut-on être fier d'avoir tiré un bon lot à la loterie ou d'avoir reçu une belle maison en héritage ? Heureux, oui. Mais fier ? Cela n'a pas de sens.

            Nous tous que le hasard a fait naître français, j'aimerais que nous en soyons simplement heureux sans arrogance.

4 décembre. J'apprends que lors d'un récent sondage IFOP, 41 % des Français sondés se sont déclarés contre la construction de mosquées dans notre pays, et 19  % seulement pour, les autres ne se prononçant pas. Ainsi chrétiens, juifs, bouddhistes, que sais-je encore, auraient droit selon ce sondage à des lieux de culte de leur confession, mais pas les musulmans ? Cette injustice, qui est aussi une entorse à la liberté religieuse que garantit notre laïcité, me heurte profondément.

20 décembre. L'Afghanistan n'est pas simplement un pays en guerre, c'est un pays où des terroristes kamikazes se font sauter au milieu d'un marché, où des tirs s'échangent dans les rues en n'épargnant pas les civils. Que le gouvernement de mon pays ait affrété deux charters pour renvoyer là-bas des clandestins afghans, cela fait mal. Le jour où l'on apprendra que l'un d'eux s'est fait tuer, que penseront d'eux-mêmes MM. Sarkozy, Fillon et Besson ? Et si on apprenait un jour que la colère a poussé un des expulsés dans les rangs des insurgés et qu'il tire sur nos soldats ? Est-ce beaucoup s'avancer que de penser que ceux qui les ont renvoyés ont agi en imbéciles et en irresponsables ?
(printemps 2010)
 
Une parole très actuelle

  A la fin du 6ème siècle avant notre ère, un prophète d’Israël écrivait :

            « Parole du Seigneur Dieu : Crie à pleine voix ! Ne te retiens pas ! Que ta voix résonne comme le cor ! Révèle à mon peuple ses fautes. … « Nous jeûnons, me disent-ils, et tu ne le vois pas, nous nous humilions, et tu l’ignores ». Mais pendant que vous jeûnez, vous savez bien trouver votre profit, et vous poussez au rendement tous vos ouvriers. Oui, votre jeûne n‘est que querelle, coups de poing assénés sans pitié. Ce n’est pas en jeûnant comme aujourd’hui que vous ferez entendre là-haut votre voix. …

             Le jeûne qui me plaît, n’est-ce pas plutôt ceci : -- Parole du Seigneur – desserre les chaînes injustes, relâche les attaches du joug, rends la liberté aux opprimés, brise tous les jougs, partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable.

            Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et bien vite tes forces reviendront. Ta justice te précédera, et la gloire du Seigneur t’accompagnera. Tu appelleras, et le Seigneur répondra, tu crieras et il dira : « Me voici ».

(du Livre d’Isaïe, au chapitre 58)

 

31 octobre 2010 : attentat dans une église à Bagdad, 1er janvier 2011 : attentat à Alexandrie

Un de nos fils séjourne assez souvent au Maroc, et il est très engagé ici dans le dialogue entre musulmans et chrétiens (G.A.I.C., Groupe d'Amitié Islamo-Chrétienne). Voici son témoignage sur l'événement :

  Attentats de Bagdad

  62 morts, dont 46 chrétiens, 7 policiers, musulmans sans doute, venus à leur secours et les 9 assaillants, semeurs de terreur. 60 blessés. Bagdad, la ville des célèbres « cercles de controverse »… J’ai appris la nouvelle alors que je lisais « Un signe sur la montagne - Que vit-on à Notre Dame de l’Atlas ? » (Raymond Mengus, prêtre du diocèse de Strasbourg), un livre sur cette petite communauté trappiste au Maroc, avec laquelle j’ai eu le la joie de passer quelques heures et qui prolonge l’expérience  spirituelle et de vivre ensemble de nos frères de Tibhirine.

Les terroristes sont bien renseignés, ils suivent l’actualité et connaissent leur « catéchisme » : une semaine après la clôture du synode des évêques d’Orient, à la veille de la fête catholique de la « Toussaint », à l’avant-veille de ce lendemain de Toussaint où les catholiques font mémoire de leurs défunts, de ceux que nous avons aimés, mais aussi « de tous les hommes qui ont quitté cette vie ». Deux jours après, dix bombes font encore des dizaines de morts et des centaines de blessés, cette fois dans les quartiers chiites de Bagdad. S’il fallait le prouver, ces nouveaux attentats démontrent que c’est tout le peuple irakien qui est martyr… Je me suis senti découragé. A quoi bon ? A quoi bon les efforts, de ces petits groupes de chrétiens et musulmans réunis, à Chambéry, Toulon, Montpellier, Lyon, Bordeaux, Poitiers, Châtenay, Evry, Nevers, Gennevilliers, au Mans, à Leicester, Bruxelles, Barcelone, Sarrebrück, Alger et dans tant d’autres lieux en France, en Europe et ailleurs ? Je voyais les questions, les reproches : « Vous et votre utopie », « Vous voyez bien, on vous l’avait dit ». Je m’attristais de l’exploitation qui pouvait être faite de ces attentats pour un regain d’islamophobie et de nouveaux ennuis pour mes frères et sœurs musulmans de France. Je voyais l’inquiétude resurgir pour mes frères et sœurs chrétiens de ces pays où les « collègues » des terroristes de Bagdad agissent aussi. Je me décourageais d’imaginer nos frères chrétiens d’Irak, qui peut être seront tentés, et on ne peut le leur reprocher depuis la France, de rejoindre en exil les 4,2 millions d’Irakiens (15 % de la population !), chrétiens, sunnites, chiites, kurdes, qui ont préféré quitter leur pays pour protéger leur famille. Et, comme pour me décourager plus encore,  pas un  mot dans la paroisse catholique où je me suis rendu pour la fête de la Toussaint… Pas une prière, pas un chant pour intégrer nos frères et sœurs d’Irak dans la longue litanie en l’honneur des saints, pas un mot lorsqu’à la fin de la prière eucharistique nous faisons mémoire des morts…  Cela aurait peut être chamboulé le bel ordonnancement de la messe préparée plusieurs jours à l’avance…

Le réconfort est venu des messages de soutien du Président du Conseil Français du Culte Musulman, du recteur de la mosquée de Paris, du bureau de « la maison islamo-chrétienne », et de quelques autres, notamment de Myriam, coordonnatrice pour la France de la Semaine de Rencontres Islamo-Chrétiennes  qui a aussitôt appelé Mgr Petrus Yussif, vicaire du patriarche chaldéen en France pour lui faire part de son émotion et organiser une rencontre « Passé, Présent et Avenir des chrétiens d'Irak » le 16 novembre.

« Comment peut-on, au nom de Dieu, tuer des personnes justement réunies pour prier Dieu ? » se pose aujourd’hui comme question le directeur de « Aide à Eglise en Détresse ». Au risque de perdre sa propre vie, Mohammed, le gardien musulman de Tibhirine a sauvé plusieurs vies, en ne contredisant pas le chef du groupe armé qui lui posait la question : « Ils sont bien sept ? » (En réalité, ils étaient neuf moines) et en ne parlant pas des religieux et religieuses qui se trouvaient être à l’hôtellerie. Cet ouvrier bosniaque musulman travaillant en Algérie a pu sauver trois de ses compagnons, chrétiens croates ; pour prouver sa foi musulmane, il a récité la profession de foi (la shahâdâ) et, sans hésitation, a ajouté : « Eux aussi sont musulmans ». L’émir Abd El Kader et sa suite ont protégé des milliers de chrétiens à Damas, acte pour lequel il reçut la grande croix de la Légion d’honneur et les remerciements du pape…

Et je me suis souvenu. Mon ami Khaled, musulman, parle de la Toussaint comme de la fête des « Amis de Dieu », pour lesquels nous devons nous réjouir « de tout ce que Dieu leur a offert ». La Toussaint, ce jour où « Mamie Jemma », arrière grand-mère musulmane de Meknès au Maroc, apporte des fleurs sur les tombes de ses voisins français décédés ; si jamais elle oubliait, le gardien musulman du cimetière saurait le lui rappeler ! Ce lundi, j’ai appelé Fatima, une des filles de « Mamie Jemma » et quand je lui ai dit que ce jour était la fête de la Toussaint, elle m’a dit : « Alors maman est partie au cimetière ! » ; Fatima, qui adolescente, dans les années 70, rentrant de l’école, a donné son manteau à un  pauvre dans la rue : les sœurs franciscaines de son école lui avait parlé du Poverello d’Assise ; sa maman ne l’a pas grondée, bien au contraire et lui a donné un autre manteau en lui demandant de l’apporter à un autre pauvre. Quand Fatima a demandé à l’une des sœurs « Vous ne voulez pas que je devienne chrétienne ? », la sœur lui a répondu « Pourquoi vouloir faire de toi une chrétienne, alors que tu nous montres chaque jour que tu es une bonne musulmane ! Je ne demande au Seigneur qu’une chose : que tu demeures toujours ainsi ». Je peux en témoigner : 40 ans après, Fatima, maman « courage » est mieux encore qu’une « bonne musulmane » ! Merci à vous, Khaled, Jemma, Fatima, à ce gardien de cimetière que je ne connais pas, frère et sœurs en Dieu. Et à tous ceux que je connais sans les avoir cités.

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