Les deux symboles de notre foi, aussi bien le petit Credo, dit des Apôtres, que le grand Credo de Nicée-Constantinople, professent que l'Église est katholikèn (en grec) / catholicam (en latin) . Du fait qu'en France « catholique » désigne une confession particulière, celle qui reconnaît l'autorité de Rome, les protestants y ont pris l'habitude d'utiliser dans leurs cultes l'adjectif « universelle », ce qui est en effet un des sens, le plus fréquent, de l'adjectif grec. Dans d'autres pays, où ceux que nous nommons catholiques sont désignés plus précisément comme « catholiques romains », le problème se pose moins.
Les premières célébrations œcuméniques, en France, rassemblaient presque uniquement des protestants et des catholiques. Ces derniers, comprenant les réticences de leurs partenaires, ne faisaient en général pas d'obstacle à l'emploi d' « universelle » dans la célébration commune. L'arrivée des orthodoxes dans nos rencontres nous a obligés à voir un aspect du problème négligé jusqu'alors.
Ils nous ont fait remarquer qu'en grec ancien, langue d'origine de nos textes, l'adjectif katholikos a été formé à partir de l'expression kath'holon, qui signifie « selon le tout », « conformément au tout ». Cette totalité à laquelle l'Église se conforme, c'est bien sûr la totalité spatiale, géographique, bref l'universalité, mais c'est aussi, et peut-être est-ce d'abord aux yeux des orthodoxes, la totalité de la vérité chrétienne, à laquelle on ne doit pas porter atteinte. Ce sont eux, et non pas les catholiques romains, qui insistent le plus pour que soit gardé le mot « catholique ».
Il faut bien reconnaître que ce second sens, sur lequel ils portent l'accent, est précisément celui qui apparaît dans le premier texte où le mot a été utilisé dans un écrit chrétien. Dans sa lettre aux chrétiens de Smyrne (8, 2), Ignace d'Antioche écrit, vers l'année 115 : « Là où paraît l'évêque, que là soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l'Église catholique ». Il est ici plus question de l'authenticité de l'Église que de son universalité à travers le monde.
On a donc pris l'habitude de satisfaire la requête de nos frères orthodoxes, quitte à prendre la précaution d'avertir les participants protestants que « catholique » est ici à dissocier de toute particularité confessionnelle, et veut présenter toute la richesse de l'idée de catholicité, bien plus vaste que la simple notion d'universalité. Le recours au mot « catholicité », dans la traduction proposée en 1994 par le Conseil d'Églises chrétiennes en France pour le Symbole de Nicée-Constntinople (« Je crois à l'Église une et sainte, à sa catholicité et son apostolicité »), présente l'avantage qu'il est possible de distinguer « catholicisme », qui fait référence à l'Église romaine, et « catholicité », qualité de ce qui est catholique au plein sens du terme, alors que l'adjectif « catholique » demeure ambivalent.