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31 décembre 2020 4 31 /12 /décembre /2020 10:44

          Il est beaucoup question, ces temps-ci, des valeurs de la République. La laïcité compte-t-elle parmi ces valeurs ?

          Allons à l’essentiel. Les grandes valeurs de la République sont celles de sa devise : liberté, égalité, fraternité. Et quand les religions sont en cause, alors la liberté est la liberté d’être croyant ou de ne l’être pas, et la liberté de pratiquer ou de ne pas pratiquer une religion ; l’égalité est l’égalité de traitement entre les diverses religions, entre elles et l’abstention de toute religion, et entre les adeptes de ces différentes positions - on voit aussitôt que l’existence éventuelle d’une religion d’État ou d’un athéisme d’État romprait cette égalité, même si d’autres obédiences étaient tolérées ; enfin la fraternité, qui ne se décrète pas mais peut tout de même être favorisée ou mise à mal par les décrets de l’État, pousse à ce que les tenants des diverses positions se respectent mutuellement, fassent le pari que l’échange sincère les enrichira, collaborent dans l’action pour le bien commun.

          Et la laïcité ? La laïcité de l’État (pour la clarté des notions, le mot laïcité doit toujours être accompagné du nom de l’institution à laquelle il s’applique) est le statut juridique choisi par la France pour que la puissance publique assure à chacun, en matière religieuse, la liberté, l’égalité, et la possibilité de la fraternité. Elle n’est pas une valeur en elle-même, elle est un moyen privilégié pour la réalisation des valeurs fondamentales de notre République là où intervient le fait religieux. Ce sont ces valeurs qui sont essentielles, et toute conception ou toute pratique de la laïcité de l’État et de ses institutions qui n’aboutirait pas à plus de liberté, d’égalité et de fraternité serait inauthentique.

          On a compris, je pense, que je parle toujours de laïcité de l’État et de ses institutions, et non de laïcité en général et sans précision. Un « idéal de laïcité » appliqué indifféremment à toute la vie et à tous les types de rapports entre les citoyens voudrait dire qu’on s’interdit d’évoquer dans les dialogues et de laisser paraître aux yeux d’autrui ce qui constitue le plus profond de chaque personnalité, le sens que chacun donne à sa vie. On aboutirait à une liberté et à une fraternité étriquées, incomplètes.

          Cette laïcité-là serait une caricature, et personne en France n’ose, je crois, la défendre explicitement. Mais certaines expressions courantes sont malheureusement ambiguës, comme lorsqu’on dit que la religion doit rester une affaire privée, qu’elle n’a pas sa place dans l’espace public. Si « public » signifie « de l’État et de ses institutions », si « privé » veut dire « hors de la compétence de l’État », il n’y a rien à redire. Mais dans la langue française « public » a souvent une acception plus large, et désigne tout ce qui est visible publiquement, et « privé » signifiera alors parallèlement « renfermé dans le domicile personnel ». J’ai réfléchi ailleurs sur cette ambivalence (http://michel-poirier.over-blog.fr/2016/09/public-et-public.html). Elle est parfois exploitée (consciemment ? inconsciemment ?) par des gens qu’indispose toute proximité avec ce qui est religieux, ou avec telle ou telle religion particulière, comme ceux qui refusent l’arrivée d’un minaret dans leur paysage.

          La laïcité de l’État et des institutions qui relèvent de l’État est un moyen précieux au service des valeurs de la République, une « laïcité » généralisée des rapports humains, se manifestant par un silence systématique sur les choix essentiels de chacun, ne serait qu’un triomphe de la futilité.

 

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